top of page

Les outils subjectifs de la Blockchain au service de l’indemnisation du préjudice corporel 

Blockchainindemnisationsubjective.png
Nasr KAROOMI
12 avril 2023

Arbitrage décentralisé et indemnisation de la victime : un projet à long terme

« Dans le cadre de cet article, le fait générateur du dommage corporel se résumera à l’accident de la circulation. En effet, les hypothèses génératrices d’un dommage corporel sont si variées, que le traitement exhaustif de chaque cas risque de nuire à la clarté du propos. » 

 

Les insuffisances inhérentes aux oracles objectifs rendent nécessaires le recours à un outil subjectif.

 

Lorsqu’un accident de la circulation survient, plusieurs champs de désaccords peuvent naître entre la compagnie d’assurance et la victime.

 

Ces litiges peuvent aussi bien concerner le principe du droit à indemnisation de la victime, l’étendu de celui-ci, le montant d’une provision, les conclusions médico-légales des médecins experts, ou encore, le principe et le montant d’un poste de préjudice.

 

Dans ces différents cas, les parties s’en remettent au juge, dans le cadre d’une procédure contentieuse.

 

Le juge est indépendant, faisant respecter un certain nombre de principes directeurs et au premier rang desquels : le contradictoire.

 

Chaque partie est assurée de ce que son argumentation sera prise en compte par une autorité, tirant sa légitimité de sa parfaite impartialité.

 

Des pôles spécialisés, composés de juges chevronnés dans le droit de la réparation du préjudice corporel, ont été institués au sein des tribunaux français.

 

Cette spécialisation est à la fois procédurale et substantielle.

 

Quant à l’avocat, il doit à être vigilant à chaque étape de la procédure, lorsqu’il doit l’être, tout autant, sur le fond du droit lui-même.

 

Heureusement, des solutions nouvelles sont en pleines gestation, promettant un avenir enthousiasmant, et pouvant satisfaire l’ensemble des parties impliquées : l’arbitrage décentralisé.

 

Néanmoins, l’outil subjectif de la blockchain, constitué par l’arbitrage décentralisé, tout en optimisant la procédure, se confronte, actuellement, à des obstacles majeurs.

 

 

I) Une solution juridico-technique

 

A) Les possibilités juridiques : théorie et pratique

 

Dans le cadre d’une procédure indemnisation classique, les parties disposent déjà de la possibilité de se passer du juge.

 

La loi n’interdit pas de recourir à l’arbitrage, même en droit commun, lorsqu’aucun contrat ne lie la compagnie d’assurance du responsable à la victime.

 

En effet, une convention d’arbitrage -dite protocole- peut être conclue entre les parties, à l’occasion d’un désaccord au cours de l’expertise médicale.

 

A titre d’exemple, il s’agira de savoir si l’état antérieur de la victime doit être pris en compte.

 

Pour ce faire, et afin de ne pas s’en remettre à la décision discrétionnaire du juge quant au choix de l’expert judiciaire devant trancher le désaccord, les parties conviennent de désigner un expert arbitre.

 

L’avantage de cette solution réside dans le fait que les parties conservent la maitrise sur le choix de l’expert désigné, et l’étendu de sa mission.

 

En pratique, le recours à l’arbitrage se limite à ces hypothèses marginales durant le processus de réparation de la victime.

 

Néanmoins, rien ne s’oppose à ce que l’arbitrage puisse guider l’ensemble de la procédure.

 

Cette solution est d’autant plus crédible qu’un système d’arbitrage décentralisé a d’ores et déjà vu le jour.

 

B) L’existence d’un système d’arbitrage décentralisé

 

Kleros est un projet d’arbitrage décentralisé offrant les garanties procédurales attendues.

 

En effet, le système est anonyme, empêchant la potentielle concertation frauduleuse des arbitres.

 

Il prévoit une possibilité d’appel de la sentence arbitrale lorsqu’une partie n’est pas satisfaite.

 

Il garantit une célérité qui fait défaut à la procédure juridictionnelle classique.

 

Il ne s’agit pas seulement d’une solution prospective, hypothétique, et illusoire.

 

En effet, en octobre 2021, un tribunal mexicain a accepté la solution imposée par un arbitrage rendu sur la plateforme kleros.

 

Le livre blanc du projet, ainsi que le papier technique soulèvent et résolvent les éventuelles difficultés qui pourraient naître.

 

Il s’agira de l’arbitre qui révèle son choix avant la fin du processus de vote, ou encore, celui qui vote de manière incohérente...

 

Cependant, si ces difficultés trouvent une solution, d’autres, moins facilement solubles, s’imposent et rendent impossible l’adoption à court terme de l’arbitrage décentralisé.

 

 

II) Les obstacles à l’adoption immédiate

A) La compétence des arbitres

 

La matière est complexe, car elle nécessite une compréhension et une maîtrise de problématiques diverses : juridiques, médicales ou encore comptables…

 

Il est évident que le quidam sera incapable de voter de manière cohérente, en qualité d’arbitre, quant à savoir si la victime conductrice a commis une faute, pouvant réduire son droit à indemnisation, tout en ignorant les règles du code de la route français.

 

S’agissant de l’expertise, un arbitre qui n’est pas médecin ne saura pas trancher un désaccord de nature médicale.

 

Enfin, concernant le montant de l’indemnisation, l’arbitre qui ne pratique pas la matière ne saura pas décider du montant de tel ou tel préjudice.

 

L’ensemble de ces points soulèvent une seule question : la formation des arbitres.

 

Ainsi, la plateforme d’arbitrage décentralisé devra créer une chambre spécialisée, ouverte aux seuls arbitres compétents dûment formés.

 

A défaut, aucune victime, ni aucune compagnie d’assurance n’accepteraient de s’en remettre à cet arbitrage.

 

Mais si le temps et la formation peut résoudre cette difficulté, l’immaturité du système en soulève une autre, qui risque de bénéficier à la compagnie d’assurance au détriment de la victime.

 

 

B) L’immaturité du système d’arbitrage décentralisé

Chaque arbitre doit mettre en garantie un certain nombre de jetons kleros dit Pinakion (PNK), qui possèdent une valeur pouvant varier selon les conditions du marché.

 

Le prix de ce jeton obéit à la même logique que celle d’une action d’entreprise cotée en bourse.

 

L’arbitre qui vote de manière incohérente perd une partie de ses jetons au profit des autres arbitres.

 

Il a donc tout intérêt à voter de manière honnête, logique et impartiale.

 

Cependant, quid de la compagnie d’assurance prendrait le contrôle du système, employant des milliers d’arbitres salariés à son service ?

 

Pour ce faire, la compagnie d’assurance pourrait employer un grand nombre de personnes, chacun disposant d'un portefeuille de jetons, rendant possible son tirage au sort par le système en qualité d'arbitre.

 

Cet achat massif de jeton fera monter d'autant son prix, excluant les arbitres indépendants du système et de toute chance d’être tiré au sort.

 

Seul un temps long, nécessaire à la maturité et à la distribution lente des jetons, pourrait résoudre cette difficulté majeure.

 

Mais au-delà des obstacles actuels, c’est un profond changement des mentalités et des automatismes qui sera nécessaire pour mener cette transition du juge étatique vers l’arbitrage décentralisé.

LOGOKdéfinitif.png
bottom of page